C’est incontestablement l’une des épreuves les plus attendues en fin d’année qui vient de se disputer à Alès sur les quais du Gardon, cette rivière cévenole, tantôt fougueuse, tantôt langoureuse, qui vit au rythme des saisons et dont ses excès sont en période de crues, redoutés.

Hier il n’en était rien et c’est même une température agréable pour la saison qui a accueilli en Cévennes tout le gratin de la course à pied. Des coureurs venus en découdre sur un parcours roulant, qui avait été le théâtre des championnats de France de la spécialité en l’an 2000,  avec ses longues lignes droites qu’emprunte le peloton sur les rives du Gardon, bordées de ci, de là, d’une haie de spectateurs.

Il était 10h15 pétante quand l’officiel de la Fédération Française d’Athlétisme a libéré la vague multicolore des coureurs venus parfois de très loin pour découvrir la ville et son épreuve.

Dès les premières foulées le flot des concurrents s’est étirés, « cette année il y a plus de monde » pouvait on attendre de la part de spectateurs assidus, effectivement au passage du premier kilomètre derrière Pierrot PANTEL qui menait la charge ils ont étaient 677 à s’accrocher, plus ou moins bien, aux foulées du jeune espoir alésien.

A chacun son rythme, à chacun sa foulée, l’essentiel était hier d’aller le plus vite possible en se faisant plaisir, même si pour certains la notion de plaisir s’est vite transformée en doute, puis en souffrance après un départ trop rapide, car c’est bien là que réside la principale difficulté de l’épreuve organisée par Alès Cévennes Athlétisme son départ. Trouver le juste milieu entre un départ pas trop rapide ou un départ pas trop lent, savoir gérer le stress d’une épreuve éprouvante par la présence du public « je suis parti trop vite, je voulais ralentir, mais à chaque fois un encouragement m’incitait à continuer sur le même rythme » de l’aveux d’un coureur déçu par son temps à l’arrivée.

Des tranches de courses…

Mais au diable ces considérations de vitesse, l’élément essentiel est quand même d’avoir été présent. Avoir où n’avoir pas atteint l’objectif chronométrique fixé est secondaire, la première des satisfactions est de pouvoir franchir la ligne d’arrivée.

Devant, il y a ceux qui s’entraînent régulièrement, qui ont une hygiène de vie liée à la pratique du sport, à l’arrière il y a ceux qui font aussi la richesse de nos pelotons, ceux qui souffrent, ceux qui signent des exploits dont ont ne fait que de timides échos, ceux qui méritent tout notre respect.

Parmi ces « inconnus » qui se sont tenus loin dimanche du podium je citerai trois prénoms de coureurs qui se reconnaîtront, chacun à sa façon a apporté une pierre à l’édifice de la réussite de cette journée faite avant tout pour les coureurs. 

Déçu Jacky l’était assurément, il avait décidé avec ses amis Nîmois de recourir à l’occasion de l’épreuve organisée par ses amis de l’ACA. Jacky était de la première en 1988, puis très certainement de toutes les autres qui ont suivis. Mais voilà une vie de près de ¾ de siècle ne se bâti pas qu’avec du bonheur, il y a également des circonstances douloureuses qui font que tout à coup tout devient plus sombre, et incompréhensible. Heureusement, il y a le soutien de la famille et il y a la course et les copains de courses qui forment une autre grande famille et si dimanche Jacky s’est retrouvé contraint à jeter l’éponge un peu trop tôt, avec cette blessure douloureuse, qui ne se cicatrisera jamais il peut être persuadé que ses nombreux amis l’obligeront très vite à rechausser les baskets. 

Bruno pour sa part juchait sur sa jambe artificielle a tenté l’impossible pour arriver au terme de son challenge. J’ai bien dit challenge et non pas « tchallendge » dit à la mode anglo-saxonne, qui résonne toujours à mes oreilles comme un terme dit pour se faire remarquer, mais le challenge tout simple à la mode bien de chez nous, celui qui consiste à se fixer un objectif à atteindre sans qu’il en soit fait état. Au coup de pistolet, Bruno, s’en est allé, sur la route comme tout le monde, avec comme seule différence, un déhanchement du à son « handicap ». Chacune de ses foulées est une contrainte soumise à son corps et ses efforts énormes sont insoupçonnés pour le commun des coureurs, son ami Dominique André international handisport et médaillé olympique, me confira « avec son handicap, ce que fait Bruno est vraiment exceptionnel » Mais voilà dimanche Bruno n’est pas allé au bout, il s’est arrêté sur le bord d’une avenue, les yeux dans le vague, déçu de n’avoir pas accompli son exploit, mais surtout ne croyez pas que les coureurs qui sont passés à ses côtés l’ont ignoré, eux aussi étaient au prise avec leur propre exploit, avec leurs doutes, avec leurs incertitudes et une fois la ligne d’arrivée franchie beaucoup parlaient de Bruno, avec sa drôle de prothèse et son énorme courage.

Parmi ceux qui ont pu s’écrier « j’y était et j’ai fini », il y a Georges, qui du haut de ses 75 ans participe à toutes les courses qui se déroulent sur Alès, sa ville. « Qui a-t-il de surprenant au fait d’avoir un vétéran 4 sur une course? » allez vous certainement vous demander, tant il est vrai qu’à présent ils sont de plus en plus nombreux, à 70 ans et plus, à s’aligner sur le bitume, et à distancer des hommes plus ou moins jeunes qui pourraient être leur fils ou leurs petits fils. Mais dimanche Georges a une particularité, qui a fait de lui un coureur d’exception. Après s’être engagé bien à l’avance, un faux pas, une mauvaise chute, a faillit le priver de son plaisir, trois jours avant ce que je peux qualifier à présent comme un exploit. Parti tout droit vers l’hôpital, jeudi, le verdict est tombé, Georges s’est fait une sévère luxation qui a occasionné une anesthésie. Tout homme normalement constitué serait, dimanche, resté couché, je lui dis le matin avant le départ « tu ne vas pas partir comme ça », « si je verrai bien » m’a-t-il répondu et malgré le côté déraisonnable de cette situation notre médecin à la retraite, est parti, et plus surprenant il est arrivé… torse nu, et plus heureux qu’un cadet d’avoir apprivoisé le mauvais sort.

Ahmed, Pierrot et Christine en vedette…

Loin devant, les favoris pensaient à la victoire. Parmi eux il y avait pour commencer Ahmed EZZOBAYRY qui portait la tenue de son nouveau club Alès Cévennes Athlétisme. Comme Adil en 2005, Ahmed est venu, Ahmed a vaincu, comme il le disait au micro de Jean Pierre BUIX, « actuellement après une saison pleine je ne suis pas au mieux de ma forme, mais je suis heureux que ma première apparition sous le maillot de l’ACA, face aux dirigeants, aux athlètes, et aux élus de la ville se soit soldée par une victoire ».

A l’arrière hormis Larbi ES RAIDI 3^ème, deux autres concurrents ont donné du fil à retordre à Ahmed, deux coureurs de 20 ans c’est tellement rare que cela mérite d’être signalé. Saïd TBIBI un coureur Marocain venu du CO les Ulis, à 21 ans il terminera à la 2^ème place, après avoir longtemps cru à la victoire il a du se résigner dans les deux derniers kilomètres voyant son adversaire motivé par le port de son maillot blanc et bleu.    

20 ans c’est le bel âge, c’est aussi l’age de Pierrot PANTEL, le Cévenol. Il m’avait confiait que cette course était pour lui incontournable « gagner à Alès c’est important pour un coureur de l’ACA, dernièrement Kevin Paulsen et Damien Rouquet ont goûté à la joie d’une victoire ici, j’aimerai les imiter », mais Pierrot savait aussi qu’il devait cette année ne pas aller trop loin dans la quête de cette première place, il savait qu’un autre rendez-vous important allait se jouer dans une semaine au cross international d’Allonnes dans la Sarthe ou il tentera de décrocher une nouvelle tunique tricolore pour les championnats d’Europe de Cross qui se disputeront en décembre en Italie.

Alors Pierrot est parti devant, imprimant le rythme initial de l’épreuve de sa foulée fluide, pour prouver à tous qu’il est, à présent, entré dans la cour des grands.

Cela parait si facile de courir quand on a 20 ans, si facile quand on voit Pierrot caresser le sol. Dimanche Pierrot a vu qu’Ahmed et Saïd étaient un ton au dessus, alors il a géré une quatrième place sans jamais se mettre dans la zone rouge, sans se faire mal. Cette 4^ème place était très importante pour lui, et pour en être persuadé il n’y avait qu’à le voir à l’arrivée arborant un large sourire sous les applaudissements du public. Il y a des 4^ème place qui valent des victoires.

Christine BARDELLE est venue quant à elle, pour la 3^ème année consécutive remporter la victoire au stade Pibarot, temple du football il y a quelques années lorsque l’OAC évoluait en D2, à présent c’est le CAC Volley, et Alès Cévennes Athlétisme qui sont les clubs phares de la ville.

Christine n’a pas caché que cette année elle était venue avant tout pour la victoire, car elle aussi tentera dimanche de prendre une place au sein de l’équipe de France pour les championnats d’Europe 2006. 20^ème en avril des derniers championnats du Monde de cross country, meilleure européenne Christine est l’un des piliers de l’équipe tricolore,  ainsi dimanche elle n’a pas eu à puiser dans ses réserves pour s’imposer une nouvelle fois à Alès. « Christine à fait un footing aujourd’hui » c’est en ces termes que la jeune Delphine PY 2^ème saluait la victoire de son aîné.

150 jeunes…

Pas moins de quatre courses sont mises au programme des Foulées pour les jeunes, et cela fait 19 ans que ça dure. A l’origine la course se déroulait le 11 novembre ce fût le cas en 1988 pour la première édition, lors de la 5^ème édition la course a pris sa place actuelle sur le calendrier en se positionnant sur le 2^ème dimanche du mois de novembre ce fût le 8 novembre 1992.

Mais à l’approche des championnats de France de l’an 2000, la course s’est positionnée temporairement sur le mois de septembre à la demande de la Fédération Française d’Athlétisme, ce fût ainsi de 1999 à 2001, et à partir de 2002 les Foulées ont retrouvé une place sur le calendrier des épreuves de novembre, la même année la ville de Nîmes a décidé de créé son cross le 11 novembre.  

Ainsi cette année les deux épreuves sont entrées en concurrences, si le cross de Nîmes a souffert de l’absence des seniors et vétérans, les foulées ont souffert de l’absence des plus jeunes. 150 jeunes athlètes ont néanmoins foulées le bitume alésien, avec une majorité de jeunes pousses de l’ACA fiers de porter les couleurs du club. Ce fût une belle revue d’effectif pour les entraîneurs alésiens qui ont apprécié l’état d’esprit de leurs jeunes troupes.

140 bénévoles…

Pour accueillir tout ce joli monde, pour sécuriser les courses, pas moins de 140 bénévoles étaient à la disposition de l’ACA, avec une aide précieuse des clubs des villes du Grand Alès. C’est ainsi qu’aux côtés des Alésiens se sont regroupés le SCAC de St Christol lez Alès, les Foulées Boissetaines de Boisset et Gaujac, le club Alès Triathlon, Air Max de St Privat des Vieux, et les deux associations de St Paul la Coste, auxquels il convient d’ajouter les services techniques de la ville d’Alès et les Policiers municipaux qui ont apporté leur savoir faire indispensable, ainsi que les médecins Jean Louis ALDEBERT d’Alès, Florent BACQUART de Montpellier, le Kiné Christian PEYRIC de St Ambroix, l’ostéopathe Daniel PASCAL d’Alès, ainsi que la Croix Rouge et les ambulances NAVARRO d’Alès.